Traducteur inspiré des tragiques (son Antigone de Sophocle notamment est
toujours jouée), pédagogue charismatique, André Bonnard reste surtout l'incomparable
essayiste de Civilisation grecque, chef-d'oeuvre en 3 volumes et
traduit en neuf langues (réédité à L'Aire), qui frappe par la puissance de style
et d'intuition d'un véritable écrivain. Au-delà de la philologie s'efforçant de
retrouver le sens des textes d'Eschyle ou d'Euripide pour leurs contemporains,
André Bonnard a cherché leur signification actuelle, suivant par-dessus
les siècles un fil rouge : l'Homme. André Bonnard croyait en l'homme,
en sa capacité de bâtir une société belle, juste et utile, qui accomplirait ses
possibilités d'être loin du christianisme. Cet idéal humaniste et prométhéen
le conduira à voir dans la Russie de Staline l'avant-garde de l'âge nouveau,
ce qui lui vaudra un procès resté célèbre et l'hostilité ouverte de son milieu.
Yves Gerhard explique en finesse cet engagement paradoxal en rappelant le
contexte de l'époque, mais aussi la cohérence de pensée qui le fondait. Car
il n'est peut-être pas si étrange que Bonnard se soit inventé un communisme
idéal, lui qui a réinventé pour nous la civilisation grecque.
L'auteur a prolongé ce portrait par une brève histoire de l'hellénisme à Lausanne
au XXe siècle. Il évoque les successeurs d'André Bonnard à la Faculté
des lettres (André Rivier, François Lasserre, Claude Calame), les figures marquantes
des professeurs de grec au Gymnase, les péripéties qu'a connues
l'enseignement de cette langue dans les réformes successives de l'école vaudoise,
les activités vivantes du Colloque de grec ou des Amitiés gréco-suisses.
Avec ce livre essentiel, Yves Gerhard nous fait (re)découvrir l'un des intellectuels
les plus brillants et controversés de Suisse romande, mais aussi la dette
de l'humanité envers les Grecs de l'Antiquité.
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