Au-delà des dichotomies recherche fondamentale - recherche appliquée et théorie académique - pratique
politique, il s'agit pour l'anthropologie prospective d'explorer les voies d'une science engagée dans les évolutions
et les enjeux sociétaux du 21e siècle.
La collection anthropologie prospective entend mettre à disposition d'un large public
des ouvrages concis - rédigés dans un style synthétique et enlevé - qui seront consacrés à des recherches
contemporaines et inédites, reposant sur une connaissance et une expérience approfondies du terrain.
Cette collection est dirigée par Pierre-Joseph Laurent. Olivier Servais et Anne-Marie Vuillemenot [professeurs à
l'UCL et membres du LAAP. Laboratoire d'anthropologie prospective. Louvain-la-Neuve, Belgique].
Anonyme - Passavoir - Crétinoir - Trouabal - Dément - Comestible - Macabre - Zéro - Malcousu
- Savon - Gouacide - Négrobar - Satan - Peccatus - Dangeros... Tels sont quelques-uns des
centaines de noms d'état civil saugrenus, dégradants et injurieux, redonnés aux esclaves africains
des Antilles et de la Guyane françaises libérés en 1848. Cette blessure identitaire, largement
et curieusement occultée, suinte encore sur ces terres créoles travaillées par trois siècles
d'histoire coloniale traumatique. Mais comment donc de tels noms ont-ils pu être attribués ?
L'étude ethnographique que propose cet ouvrage, travaillée par de longues années de terrain,
tente d'en entendre les réponses. Elle s'étaye tout à la fois sur le dépouillement de plus de
350 000 patronymes collectés dans ces départements français d'Outre-mer, des entretiens
notamment avec quelques figures éminentes de l'intelligentsia créole (Césaire, Glissant, Pépin,
Chamoiseau), le cumul de données historiques, culturelles, linguistiques, littéraires, ainsi que
sur la mise en oeuvre d'une anthropologie dite `fictionnelle' et pourtant contemporaine.
L'auteur, sensible au poids moral du nom, se penche d'abord sur le choc, la prégnance, la
proportion, les causes et les avatars de cette problématique si délicate ; reconstitue ensuite
les circonstances et conditions des processus d'attribution qui ont pu aboutir à de tels dénis ;
dégage également les pratiques et parades cathartiques de résistances mentales et culturelles
pour contrer l'affront du nom ; et termine en ouvrant la question de cette grave blessure également
subie par les créoles de l'Île Maurice, tout en s'interrogeant sur une possible réparation
du nom.
Nous publions uniquement les avis qui respectent les conditions requises. Consultez nos conditions pour les avis.